Slimane Sayoud « Des visages » l’Algérie

A la terrasse d’un café de la rue Didouche Mourad, bordée de blancs édifices rappelant l’architecture haussmannienne, nous avons rencontré Slimane Sayoud, artiste protéiforme originaire d’Azzaba.  Slimane fait partie du collectif ‘’213 Writers’’, formé à la Biennale Dj’art l’année passée avec douze autres artistes dont Sneak et Fares Yessad. Son travail étant multiple, nous avons choisi de vous parler de quelques-uns ses aspects : sculptures, peintures et direction artistique de clips de rap.

Des caricatures aux sculptures

« Ça a commencé depuis l’enfance. J’ai grandi dans une famille artistique, avec des parents peintres autodidactes», nous confie-t-il.  Pour lui, l’art a commencé par le crayon,  la caricature thématique et les portraits. Slimane a étudié la  biologie puis s’est inscrit à l’école supérieure des beaux-arts d’Alger  où il a choisi la sculpture comme spécialité. « La sculpture, ça a été un choix difficile, quelque chose de nouveau. » Elle fait partie de l’art urbain, c’est un art interactif proche du grand public selon Slimane. En Algérie cependant, la sculpture sert plus à la mémoire collective. Là, il rencontre d’autres étudiants, dont Faras, qui l’influencent et l’aident à compléter son éducation artistique.

Slimane Sayoud © Mehdi Drissi

Slimane Sayoud © Mehdi Drissi

« Après, on s’est plongé dans le graffiti », dit-il en citant notamment ses graffitis rue de Tanger à la biennal Dj’art et à Seraida, près de Annaba. «  Actuellement, je fais à moitié engagé. Je suis dans la phase de recherche. Je ne traite pas des sujets importants comme l’identité ou la politique. On a trop de contraintes : matos, autorités, autorisations… »
Au total, Slimane est sculpteur, peintre, caricaturiste, graffeur et directeur artistique pour des clips musicaux. Il dit être, pour le moment, dans une création figurative et académique.  Parmi ses sculptures notables, un buste d’Ahmed Bey a été commandé pour l’exposition Constantine capitale de la culture arabe 2015. Un autre buste, blanc, dont le visage est traversé de calligraphies noires, a été exposé au palais de la culture de Skikda.

Buste d'Ahmed Bey © Slimane Sayoud

Buste d’Ahmed Bey © Slimane Sayoud

« Soldes » : exposer la société de consommation

Sa première exposition personnelle, « Soldes », avait pour thème le marché de l’art et la société de consommation. En une seule longue nuit, Slimane a peint dix toiles de 120×80 cm puis les a mis en vente à des prix astronomiques. Il les a exposées dans une galerie du centre commercial de Bab Ezzouar après avoir proposé une exposition éphémère dans les rues, le métro et le tramway d’Alger durant le déplacement des œuvres vers la galerie. C’était, dit-il, pour provoquer les critiques d’art.

« Comment un artiste naissant fait un truc pareil ? C’est pour dire que le travail artistique a beaucoup plus une valeur sentimentale que matérielle.  J’ai le droit de facturer comme je veux. Le prix d’une œuvre d’art n’a pas à voir avec le temps passé. J’ai mis toute une vie pour arriver à réaliser cela. J’ai pris le risque, c’était un truc suicidaire. C’est à toi de le changer en truc positif.» Ce n’est pas, selon lui, le marché de l’art qui doit mettre une valeur sur son travail. Certaines personnes sont rentrées dans la galerie sans même s’apercevoir qu’il y avait une exposition. Certains algériens ont selon lui un complexe par rapport à l’art et c’est pour cela qu’il veut créer des projets interactifs.

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Représenter l’identité algérienne

Slimane est directeur artistique de clips de rap. Il déplore que la plupart des clips algériens, bien que traitant dans les paroles de sujets propres au pays, aient une expression visuelle trop semblable aux clips américains. Il a à cœur de proposer, au niveau visuel, l’expression d’une identité algérienne. Ainsi, il a récemment réalisé un clip parlant d’un couple algérien qu’il a décidé de représenter avec ses complexes : « on s’est basé l’envie de montrer la vraie image du couple algérien, ses calculs par rapport aux tabous, aux distances dans le couple. Le couple ne se tient pas par la main. »
Il a actuellement, avec un rappeur, un projet de clip qui représenterait une identité véritablement algérienne. Quand on lui demande des détails, des exemples, il répond : « Nous, on veut faire quelque chose visuellement algérien. Mais je préfère que ça reste une surprise… ». Et quand on lui demande quelle est l’identité de l’Algérie, voici ce qu’il répond : «  L’Algérie n’est pas un pays arabe. C’est un mélange de tout. Si on dit qu’on est arabe, on dit qu’on est français, berbère… le truc du « monde arabe », ça n’a pas de sens. Les seuls arabes, ce sont les chevaux pur-sang arabe. »

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