Annaba : c’est le nom de la dernière ville que nous visitons en Algérie. Après un paisible séjour dans cette belle ville de l’est algérien, où le dialecte commence de plus en plus à rassembler au parler tunisien, nous levons les voiles pour notre prochaine destination : Tunis.
Préparés à affronter la demi-journée de voyage qui nous attend avant de rejoindre notre destination, nous sommes loin d’imaginer les longues heures d’attente supplémentaires auxquelles nous aurons droit.
Après 3 heures de route, nous arrivons à la frontière algérienne, sourire aux lèvres et papiers en main. En jetant un rapide coup d’œil aux livrets que nous lui tendons, le douanier s’exclame alors
« Des marocains ? Ah non, pourquoi tu nous ramènes ça ? »
On nous explique alors, à la dérobée, que lorsqu’on rentre en Algérie en avion, il faut ressortir du territoire en avion. Presque 3 heures d’attente. Les noms se succèdent et les passeports verts tunisiens et algériens se distribuent. Pas la moindre nouvelle des nôtres. « Hajer ? Ou…mayma ? » Nos yeux s’éclairent enfin et nous accourons au guichet.
Le douanier nous demande de le suivre à l’intérieur. Finalement, l’interrogatoire dure moins longtemps que nous avions eu le temps d’imaginer pendant les longues heures d’attente: quelques questions d’identité basiques et une liste des pays que nous avons déjà visité qui ne manque pas de faire sourire les deux douaniers. Jamais je n’aurais pensé que le tampon « khourouj » (sortie) nous aurait demandé autant de patience. C’était encore une fois sans compter les petites questions intrusives qui nous attendaient ensuite à la frontière tunisienne. Après six heures d’attente au total, nous sommes enfin en Tunisie.
Traverser une frontière terrestre est une expérience particulière. Au sein d’un territoire qui semble homogène, on nous fait imaginer deux identités différentes, flottant indépendamment dans un air qui est pourtant exactement le même. Nous traversons les montagnes tunisiennes en voiture, les yeux fixés sur les vues imprenables qui s’offrent à nous ; et puis nous arrivons enfin à Tunis, sous une chaleur écrasante.
Dès notre arrivée en Tunisie les premières petites différences nous sautent aux yeux. Nous nous étonnons de la présence d’intitulés de magasins et d’épiceries exclusivement en arabe et non traduits en français ou en tifinart et constatons l’importante prolifération d’épiceries de « fawakih jafa » (fruits secs).
Après la parenthèse algérienne, nous retrouvons aussi les archétypes du capitalisme avec ses chaines de restauration et ses grandes surfaces qui bourgeonnent ici et là. Mais le plus grand soulagement vient d’une toute autre remarque que nous nous faisons : « des filles dans les rues le soir ? Et habillées comme bon leur semble ? Hallelujah ». Nos découvertes de Tunis se poursuivent ensuite le lendemain. Nous avons rendez-vous à Sidi Boussaid, où nous rencontrons Hela Ammous autour de thés et de citronnades au café l’Alia, non loin du fameux « Café des délices ».
Surplombant la mer bleu lagon et bordé de maisonnettes bleues et blanches, le quartier est une vraie carte postale vivante. L’Algérie n’étant pas un pays touristique en dépit de sa beauté, le retour des accents des quatre coins du monde nous fait donc un peu drôle. En fin d’après midi, c’est le groupe Mizrap que nous retrouvons, en plein enregistrement de leur nouveau single. Ahmet Baglama, le leader du groupe, nous accueille en la compagnie d’Atef Bey, le petit fils de Moncef Bey, le dernier représentant ottoman de Tunisie. Immergés dans une ambiance où les instruments indiens, tunisiens et turques épousent le chant lyrique, les paroles en arabe et les rythmes de gnawa marocains, nous sommes comblés de découvrir un melting pot aux influences si variées.
Salut Hajar & all.
J’espère que tu vas bien et que tout se passe bien pour vous tous.
En tout cas en ce qui nous concerne, nous profitons « en temps réel » comme tu aimes à le dire, des péripéties de votre parcours, grâce à vos articles.
Cette « rihla » est pour moi l’occasion, non seulement de découvrir les artistes dont vous rapportez les œuvres, ou les lieux qui sont si superbement photographiés par Mehdi (bravo), mais aussi de me documenter pour en savoir plus.
C’est un beau et bon voyage. On a envie d’y être et prendre dans nos bras ces jeunes dont vous faites partie et qui représentent le futur de nos sociétés et leur salut.
Il a fallu cette Rihla pour que je redécouvre la jeunesse de mon pays que je croyais perdue, gagnée par l’obscurantisme et la décadence.
Par les récits (poésie en prime ! ) de votre immersion, vous distillez en nous et nous imprégnez d’un espoir, celui enfin ! de la sortie de sa torpeur et de sa léthargie, de cette société qui était fut un temps, un phare pour le reste du monde dans tous les domaines.
Merci encore. Bon courage.
Seddik