Rue Tarak Ibn Ziad, Tunis, Tunisie
C’est au quartier Mutuelleville, non loin du centre de Tunis, que nous avons rendez-vous avec Wassim Ghozlani, cofondateur de la Maison de l’image. Accueillis par la sobriété des murs blancs et l’odeur des cafés fumants de l’Anti-café, nous rejoignons Wassim dans son bureau pour qu’il nous présente ses activités personnelles et l’espace dont il a la charge.
Portrait d’un passionné de l’image
Wassim Ghozlani est webdesigner et graphiste de formation. Après avoir travaillé dans une boite de communication tunisienne pendant quelques années, il abandonne un jour son poste pour se consacrer à sa passion de toujours : la photographie.
Wassim est maintenant un professionnel de la discipline depuis 2009 et aime travailler des séries photographiques auxquelles il insuffle plusieurs vies. Ce jour-là, nous découvrons sa série « Postcards », « Bita9ate baridiya », à travers laquelle Wassim révèle une Tunisie loin des cartes postales touristiques, thé à la menthe et autres chameaux. Pour constituer cette série, l’artiste compile trois ans de clichés, pris çà et là, qui révèlent un pays aux mille visages, dont la beauté naît parfois de la simplicité le plus brute.
Entamée avant la révolution et poursuivie une année après, sa série capture aussi en filigrane les mutations sous-jacentes dans la société tunisienne, sans pour autant se fixer cet objectif en tant que tel. À la fois subtile et paisiblement onirique, la série se transformera ensuite en coffret de cartes postales, décorées par les calligraphies d’El Seed. En détournant photographiquement le concept de carte postale puis en y retournant lui-même avec le coffret, Wassim boucle ainsi la boucle de sa démonstration.
« La Photo commence petit à petit à se vendre en Tunisie. Il y a une vraie histoire de la photographie dans le pays ; Abdelhak el Ouertani, l’ un des premiers photographes tunisiens, a été envoyé par le bey pour prendre en photo l’exposition universelle »
C’est avec cette même volonté de montrer les visages de la Tunisie et d’éduquer les regards à l’appareil que Wassim lance aussi The Tunisians ; page qui rassemble les photos des Tunisiens et leurs histoires dans le même esprit que Humans of Morocco.
De la photographie à la Maison de l’image
Pour faire profiter les jeunes de sa passion et de l’expertise que ses expériences lui ont permis d’acquérir, Wassim multipliera les initiatives.
Accompagné par Olfa Feki, architecte de formation, ils commencent par fonder ensemble la plateforme Shuttle Party premier portail tunisien autour du métier de photographe. Le concept, qui mettait en avant tous les événements dans la communauté des photographes; faisant beaucoup d’émules, Wassim et Olfa réfléchissent alors à un lieu physique qui puisse accueillir toute cette effervescence. C’est donc ainsi que naît la Maison de l’image, fruit d’une collaboration entre le photographe et sa partenaire.
La Maison de l’image commence à installer ses activités et ses projections dès 2012 mais elle ouvrira officiellement en novembre 2014, en même temps que les journées cinématographiques de Carthage.
L’espace en question dépasse peu à peu le cadre de la photographie qui intéressait Wassim et Olfa initialement et épouse plus généralement toutes
« les formes d’art contemporaines que sont la photo, la vidéo, la BD, et l’image numérique. »
Les activités de la Maison de l’image
Devenue rapidement un des lieux incontournables de la culture tunisienne, la Maison de l’image offre de multiples activités pour brasser les publics et les catégories démographiques.
Située à Mutuelleville, La Maison de l’image se trouve en effet dans un quartier résidentiel également proche du quartier Jbel Lehmer, deuxième plus grand quartier défavorisé de Tunis après Hay tadamoun. L’idée est donc de développer des activités au sein de quartiers où les dynamiques créatives manquent encore.
Pour ce faire, la Maison de l’image organise des rencontres, des projections-débats, des expositions et des ateliers pour tous les âges. Outre ces événements ponctuels, la Maison de l’image accueille des clubs comme le club de la culture visuelle et prête aussi ses locaux à des organismes qui souhaitent y faire des expositions. Elle offre également une salle de réunion à titre gratuit et se dotera bientôt d’un espace de coworking.
L’espace cherche également à mettre en avant des artistes du monde arabe et d’ailleurs, à l’occasion de ses propres expositions.
Z, le collectif libanais Warak, Anouar Brahem, Sophia Baraket, Zara Samiry; tous ces noms qui se sont invités à la Maison de l’image pour un évènement ou une exposition ont pu partager leur expérience avec des spectateurs avides de découvertes et d’échange.
Actuellement en préparation d’une série d’évènements pour fêter l’anniversaire de la Maison de l’image en fin novembre, Wassim nous annonce aussi avoir signé un contrat de coopération avec l’UNESCO pour la déclinaison en Tunisie de la campagne internationale #Unite4Heritage.
Dans les projets en cours, nous notons aussi une rétrospective des films de Bergman qui a commencé le 25 octobre dernier autour d’un brunch suivi de Cris et Chuchotements. La projection-débat qui satisfait les yeux et les papilles, se poursuivra par des rencontres bimensuelles avec Bergman, vendredi soir.
Enfin, la Maison de l’image s’exporte aussi ailleurs de Tunis avec l’exposition Views of Tunisia série de 24 livres photographiques, sous forme de carnets de voyage, qui nous transporte dans un gouvernorat différent de la Tunisie à travers le regard d’un photographe. Édités par Shutter Party et la Maison de l’Image, ces livres sont une invitation à la découverte de la Tunisie d’aujourd’hui.
À la fois espace physique et dynamique, la Maison de l’image est un des lieux incontournables de l’art tunisien; qui cherche également à faire converger les dynamiques artistiques des pays voisins.