Il est toujours difficile de revenir sur une expérience ; lorsqu’on en vit une autre.
Une accumulation de travail nous ayant contraints à nous concentrer sur les portraits, j’avoue avoir perdu le fil du temps et un peu laissé mes ressentis s’évanouir dans mes carnets personnels.
Tunis nous a accueillis en puissance avec plus d’événements et de festivals que les pays que nous avions visités jusqu’ici.
Moseqat, JTC ou encore l’Octobre musical, autant d’événements culturels qui nous ont conduits à ne plus savoir où donner de la tête ; alors que notre liste de suggestions d’artistes s’allongeait jour après jour. D’abord friands de voyage et de découvertes dans le reste du pays, nous nous sommes aussi rapidement rendu compte de la centralisation des événements dans la capitale tunisienne.
Mon ressenti se concentre donc sur cette capitale qui m’a frappée par son indifférence, pétrie d’une légère autosuffisance et ivre d’une liberté arrachée à coup de révolution et de sacrifices.
En Tunisie, la jeunesse est dans un entre-deux angoissant, à la fois fière de ses accomplissements et dans l’insécurité inquiétante des jours qui s’écrivent.
Ce qui est frappant dans ce pays, c’est aussi la liberté avec laquelle les gens vivent. La laïcité est une vraie originalité pour nos yeux de Marocains. Ici, l’alcool se vend dans des rayons comme les autres et les bières côtoient les thés à la menthe sur certaines terrasses du centre-ville.
J’ai également été très impressionnée par la beauté de la médina tunisienne et sa grandeur. Les gens qui nous accompagnaient dans nos échappées en ont cependant critiqué les tendances commerciales, qui font perdre à l’artisanat son authenticité. Ce qui est également étonnant, c’est le mélange déconcertant entre les ruelles touristiques, où les souvenirs s’accumulent, et les marchés populaires que l’on découvre au détour de ruelles cachées.
C’est donc en poésie que j’ai décidé d’immortaliser mon ressenti flottant et très subjectif, imprégné par les rencontres artistiques et humaines que nous aura offert la capitale tunisienne.
TUNIS
Je vois ces lumières, Je vois le croissant
L’ombre du palmier et le soleil lassant.
Étourdissants de lumière, de jaune, de bleu et de blanc.
Les Tunisiens finissent leurs phrases ; par des soupirs chantants
Un café allongé sur les flancs d’argent
Prolonge à l’infini leurs refrains nonchalants;
Et fait durer l’instant qui s’éprouve.
Ici, les figues de barbaries sont soufflées de rouge
Le teint doré et les manières légères
D’un peuple qui vit dans l’odeur du jasmin assoupi
Exhalant dans Tunis et ses jardins tapis ;
Fragiles fragrances aux volutes enfumées
Font tourbillonner les esprits et les âmes danser.
La fumée des cigarettes et la dorure des bières
Coexistent avec les voiles et les frêles lumières
D’un peuple libéré, mais angoissé d’avenir
Ivre de son bonheur qui reste en devenir
Aimable, mais distant, le Tunisien se plaint
De ses rêves écorchés et gorgés de venin.
De Bab Al khadra à Bourguiba ; déambulant sans fin
Des quartiers populaires aux touristiques essaims ;
Tunis aux mille couleurs et aux mille destins
Vit dans l’amère liberté d’une vie sans lendemain.