Ramzy Zahoual nous a donné rendez-vous sur les hauteurs d’Alger, à la terrasse de l’hôtel Saint George, un lieu chargé d’histoire, qui accueillit de nombreuses célébrités de tous les horizons et qui servit de quartier général pendant la seconde guerre mondiale. Face au verdoyant jardin botanique de l’hôtel, l’algérois Ramzy Zahoual nous parle de son travail photographique débuté depuis environ sept ans.
Une inspiration venue d’Occident
Sa première approche de l’image a commencé dans des agences de communication et d’édition puis en faisant des photomontages dans la publicité. En tant que graphiste, il s’intéressait plus à la photocréation et au côté créatif de la photographie. Puis il s’est intéressé aux grands artistes tels que William Eggleston, pionnier dans l’introduction de la photo couleur comme art, mais aussi à Stephen Shore, Gregory Crewdson ou Edward Hopper. « Eggleston arrive à faire du beau avec du moche, du banal, c’est cette acuité qui m’a intéressé. » nous confie-t-il. Aujourd’hui, Ramzy est directeur artistique autonome et s’intéresse plus à la photographie pour le côté artistique que commercial. « Je ne me sens pas vraiment photographe, toujours à chasser. J’ai plus une approche intellectuelle, préparer une série, la réaliser, écrire dessus… Il y a une autre série sur Tikjda, arrêtée après l’affaire Hervé Gourdel. » dit-il, expliquant avoir commencé avec des portraits, des photos d’objets, puis s’être vite lassé, cherchant quelque chose de noble, authentique.
Créer des tableaux photographiques
Lorsqu’il parle de son travail, plusieurs dimensions semblent apparaître : d’une part le goût pour les portraits et l’interaction sociale avec les sujets, d’autre part une approche intellectuelle visant à créer des tableaux photographiques, la présence de personnes sur la photo lui important peu dans ce cas.
Ramzy photographie des étrangers en ballade, aime l’approche sociale, la difficulté d’aller vers les gens, les apprivoiser puis l’intéraction sociale qui se crée. Celle-ci n’aurait jamais pu exister sans la photo. Ici, dit-il, les gens sont méfiants « comme un chien battu qui craint les caresses. En plus, il y a toujours quelqu’un vient demander ce que tu fais. »
Face à l’omniprésence d’obstacles pour réaliser ses photos librement dans les villes, il se retrouve souvent à leurs frontières, y photographie des lieux de transition entre espaces urbains et espaces vides ou délaissés. Il dit essayer de faire des tableaux photographiques, ce qui se retrouve entre autre dans le format de ses photos en 8×10. « L’absurdité de certaines scènes m’intéresse », dit-il en parlant de d’une de ses photos où une épave de Coccinelle est posée de biais dans un petit vide entre deux pans de mur. Est-ce que le mur a été construit avant ou après la Coccinelle? C’est une sorte de paradoxe en image et qui laisse la question sans réponse.
Parmi ses travaux, il cite en particulier une série d’épaves de voitures, une série sur Tikjda ou encore une série réalisée lors d’une chasse au sanglier. Son travail s’inscrit dans la création plus que dans l’attente du moment. La spontanéité l’intéresse peu car il dit être dans un peuple qui n’est pas tellement spontané. La mise en scène et le travail à la chambre photographique sont les prochaines étapes qu’il souhaite aborder.
Un travail singulier au Maghreb
Contrairement à d’autres photographes algérois, Ramzy ne se sent proche d’aucun photographe en Algérie ou au Maghreb, que ce soit culturellement ou photographiquement. « Je suis très isolé dans ma pratique. », confie-t-il. On ressent chez lui une certaine lassitude de son pays, « on ne respire pas assez… il y a plein de zones à risque » dit-il. Son envie est de partir au Maroc pour une certaine période, la prochaine série étant un au revoir à Alger, dont il aimerait faire une série sur les balcons : « J’aime cette ville mais il y a trop d’obstacles. »
Quand on lance le sujet sur la question de l’identité de l’Algérie, il répond : « On est pareil au Maghreb, c’est très triste les frontières entre l’Algérie, le Maroc et le Tunisie. ». Selon lui, l’Algérie se détache du concept d’arabité comme on pourrait en parler en Egypte ou au Liban. C’est un pays très complexe et riche au niveau ethnique, entre les algérois, les kabyles, les chaouis… « Ça ne m’intéresse pas de montrer que je suis algérien ou arabe, j’essaie de parler à tout le monde. Il y a du sarcasme, de l’humour, de la mélancolie, de la solitude dans mes photos. L’approche vernaculaire du pays, mettre des étiquettes, ça ne m’intéresse pas. ». Rares sont les photos où l’on peut savoir que l’on est en Algérie ou en deviner le continent. Ses inspirations viennent de photographes américains, ses échanges actuels se font avec des photographes français ou québécois. Cela nous rappelle que l’Algérie, parmi sa mosaïque ethnique, linguistique et culturelle, est aussi fortement imprégnée d’occident.
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