[RIHLA 2.0 : RÉCIT CROISÉ] – Maroc – Jour 7

21 SEPTEMBRE 2015
10H – Maarif – CASABLANCA

Notre premier week-end, s’est rapidement écoulé. Hier, alors qu’on se trouvait en clôture du festival du L’boulevard, je fêtais mes vingt-trois ans. Mes longues déambulations dans le stade du COC et les quelques retrouvailles hasardeuses sur sa pelouse, n’ont pas laissé insensible la nostalgique que suis.

Myrath au Festival Lboulvard © Mehdi Drissi / Onorientour

Myrath au Festival Lboulvard © Mehdi Drissi / Onorientour

Casablanca, bétonnée et bruyante se plait à impressionner ses visiteurs. Frondeuse et fougueuse, la première métropole maghrébine est le terrain de toutes les contradictions qui traversent la société marocaine. Connaissant une expansion sans retenue, elle avale des pans périphériques pour les confronter à une modernité urbaine abrasive. La sociabilité citadine s’évertue à s’y déployer pour concilier des groupements qui se font violence pour cohabiter. Le quotidien y est implosif et la dynamique électrique.

Rue Casablanca © Mehdi Drissi / Onorientour

Rue Casablanca © Mehdi Drissi / Onorientour

Casablanca m’attire et m’effraie à la fois. Je l’ai connue plus jeune, lorsque je me déplaçais en train de Kenitra pour assister au Lboulevard avec ma meilleure amie S. On attendait ce moment de l’année avec impatience pour rendre visite à ma cousine Y et arborer fièrement nos tee-shirts Led Zep’ et AC/DC. Bien plus qu’une manifestation musicale, Lboulevard était pour nous le pot d’échappement pour le désarroi de toute une jeunesse assoiffée d’offres culturelles alternatives. On venait de tout le Maroc apprécier des concerts qui s’étalaient sur trois journées dédiées consécutivement au Rap, au Rock/Métal et à la Fusion. On se mettait parfois d’accord avec les autres festivaliers au départ de Kenitra ou de Rabat, qu’on connaissait notamment via MSN, pour prendre le même train. Le trajet ne dépassait pas les deux heures, mais il s’agissait pour nous d’une véritable aventure, une façon de nous émanciper, de nous assumer en réalisant une sorte de première révolution contre toute autorité paternaliste.

Arrivé à la gare, on recourait à des combinaisons de moyens de transport différents pour rejoindre notre destination. On enchaînait bus et grand taxi blanc et négligeait la sueur dégagée par nos corps, tout étant bon pour réaliser des économies. Pas question de dépenser notre épargne, dérisoire, avant d’avoir fait un passage à la supérette Acima du quartier de l’Oasis, pour les dernières petites courses avant le festival. Une fois sur place, naissait un trafic de badges donnant accès à l’espace juxtaposant la scène.

Myrath au Festival Lboulvard © Mehdi Drissi / Onorientour

Myrath au Festival Lboulvard © Mehdi Drissi / Onorientour

De trois ans notre aînée, Y. nous entraînait dans sa vie de casablancaise baroudeuse et on ne s’en lassait pas. Sur l’herbe folle de ce stade de Tennis, on se sentait pleinement vivre. Aujourd’hui, je suis des yeux le public que j’y rencontre et m’aperçois, à son exaltation frénétique, que les choses n’ont pas tellement changé. Je me reconnais dans chacun d’eux et apprécie le spectacle.

Mon émotion est telle que je ne peux empêcher mes pieds de battre le sol. Roulements à la batterie, on annonce la montée sur scène de DARGA. Séparé depuis plus de trois ans, le groupe de reggae fusion marocain fait son retour sur scène ce samedi. C’est comme si l’on s’était donné rendez-vous pour fredonner ces airs de « Casa Casa », chanson qui dépeint si bien les disparités brutales dans cette ville :

Casa, casa monstre habité, tu inspires mes textes, mon chant et mes paroles.
Tes gens ont été pris dans des occupations diverses. Certains font le tour de la corniche en voiture, d’autres munis de leur licence chôment au bout de la rue… 
كازا كازا يا الوحش المسكون عليك نكتب ونغني ونقول٠ ناسك ليوم كلا و فين مشغول
…كاين اللي في لاكورنيش بطونوبيل يدور, لاخربلاليسونس فالدرب شمور 

Dimanche, ce sera au tour de Hoba Hoba Spirit de faire trembler le terrain en acclamant la beauté insolente de Casablanca. Pris par les tripes, les paroles coulent de source de la bouche de chacun des spectateurs qui se plaisent à suivre énergiquement en choeur le groupe. Un des rares groupes marocains sur lequel tout le monde s’accorde, la prestation des Hoba après le concert de Zebda marquera majestueusement la fin de la 16ème édition du Lboulevard.

Les plus téméraires poursuivront la soirée en se dirigeant vers la corniche de Ain Diab. L’odeur de l’iode plein les narines, les gens s’y succèdent dans un va-et-vient continu, au rythme enflammé des cabarets chaâbi de cette côte toujours animée. Dans ce raffut infernal, une salle de concert se distingue, le B-Rock. Comme son nom l’indique, c’est le lieu de rencontre incontournable des amateurs de musiques alternatives. Ici, presque tout le monde se connait. Les salutations commencent dès l’entrée et les invitations se poursuivent à la sortie. La nuit se poursuit à « La Calèche » ou, parfois, dans des soirées privées où on appréciera les couleurs de l’aube avant de rejoindre les bras de Morphée.

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