18h00 – Jardin Saint-Georges – Alger
À Alger, notre résidence au centre-ville nous rend la vie facile. Nous longeons la rue Didouche à maintes reprises et toute petite course est un prétexte pour lever la tête et apprécier les hautes bâtisses qui bordent l’allée. Les différentes architectures se font concurrence et aucun immeuble ne ressemble à l’autre. De la place Audin au Front de mer en passant par la Grande Poste, l’étendue des routes nous donne une impression de liberté. L’air frais se dégageant du grand bleu qui s’offre à nos yeux vient nous envelopper délicatement et satine le drap de rayons du soleil qui couvre notre peau. La sensation nous est délectable. Un air de légèreté souffle sur Eddzayaer, et les nombreux jardins qui la parsèment confirment son atmosphère éthérée.
Les algérois ont aussi ce don de nous mettre de bonne humeur. Nous avons donc décidé ce matin d’aller gâter nos sens par une douce caresse florale. A quelques stations de notre métro, se trouvait le jardin d’essai, refuge des tourtereaux et des âmes songeuses de la ville. Mais, nous ne verrons point de couples s’enlacer sous le soleil tapant au moment du zénith, le parc est fermé. Pas le temps de s’ennuyer, nous montons dans le téléphérique vers la Place des martyrs. Là, dans les hauteurs de la capitale siège le Mémorial imposant du martyr, trois palmes érigées vers le ciel se rejoignent à mi-hauteur et une statut d’un soldat fier arborant son fusil devance chacune de ses larges feuilles de palmiers en béton. Ce sanctuaire à l’esplanade duquel brûle de mille feux une flamme éternelle et rend ainsi un fort hommage aux morts pour la nation pendant la guerre d’indépendance. Le musée des Moudjahidine (les combattants) occupe le dessous du monument – Makam Achhahid. Ne pouvant supporter de voir des vestes en kaki terne entachées ni d’instruments de torture de bon matin, je passe mon chemin et attends le reste de l’équipe un peu plus loin, devant une autre institution muséale ; celle de l’armée cette fois-ci.
Nous engageons par la suite une marche dans le bois des arcades, tout au long de la rue Omar Kechkar pour atteindre la Villa Dar Abdellatif. En traversant ce ruban vert, nous découvrons le Musée des Beaux-Arts. Curieux, nous y faisons une petite halte qui ne durera pas plus de quelques secondes. Empêchés de prendre une photographie de la façade, on nous crie haut et fort qu’il est strictement interdit de prendre des photos sous prétexte que l’on pourrait s’en servir pour reproduire des plans d’infraction. Nous continuons notre chemin sans protester et allons à la rencontre de Myriam Aitelhara, responsable des arts visuels de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC).
Après une visite des différents espaces de la villa, nous retrouvons Myriam, débordée, dans son bureau. Elle nous explique que l‘équipe est en pleine préparation du 300ème anniversaire de la Villa et qu’une soirée d’ouverture de la programmation est prévue ce jeudi. Intrigués, nous demandons à connaître le programme et nous nous lançons un regard complice lorsque nous recevons comme réponse : honneur aux derviches tourneurs de Konya. L’accord est tacite, nous resterons une nuit de plus pour assister à cette ouverture du bal au Théâtre National Algérien.
Ancien opéra de la ville au style néobaroque, le lieu est aussi surnommé « le Caprice de la duchesse ». La légende populaire propage qu’il ait été construit pour ravir l’impératrice Eugénie qui ne daignait se rendre à Alger tant que cette dernière ne possédait pas d’Opéra.
Mais à l’image des rues à double titre, le théâtre est aussi connu sous l’appellation « Théâtre Mahieddine Bachtarzi ».
Ici, la même adresse peut-être sise différemment. Les rues ont deux noms. Le premier en français, toujours utilisé car inscrits dans les pratiques et bien ancrés dans une société ouvertement diglossique, et un autre, arabe, figurant sur les plaques et martelées aux murs après l’indépendance.
Heureusement, grâce à la disponibilité de nos hôtes, nous finirons par ne jamais nous perdre. Bien que le pays soit à la veille d’une crise gazière et pétrolière sérieuse, les très grandes distances à parcourir entre deux points de la capitale ont habitué les gens à circuler en voiture. Mehdi Hachid, acteur culturel avec qui nous nous sommes liés d’une forte amitié durant ce séjour, réussit à aménager du temps entre la gestion de son entreprise de communication et ses nombreux projets artistiques pour nous partager son amour pour la ville. Avec et grâce à lui, nous avons pu réduire nos pages Word pour prendre le pouls des différentes Algers et respirer de plein poumon leur vivacité inconditionnelle . Ce soir, il nous a promis de nous emmener au port de la ville. Au menu, friture de poissons variés et vagues chantantes pour bercer notre fin de soirée.
En attendant, toujours en quête de chatouillement nasal, nous avons fini par donner rendez-vous au photographe Ramzy Zahoual au jardin St Georges. Au cœur du somptueux Hotel Djazair qui a vu défiler des sommités de ce monde, un jardin botanique intérieur se prêtait bien à la rencontre et charme par ses enivrantes senteurs.