Après une carrière confirmée à Londres, Nazir Tanbouli renoue avec son Alexandrie d’origine. Son absence a duré quinze années, toutefois, son retour s’accompagne d’un engagement certain au sein de la société civile alexandrine pour la promotion de la culture par le biais de l’association Gudran.
Sur la situation égyptienne contemporaine, Nazir palpe un défaitisme ambiant, celui-même qui endigue ses compatriotes dans une négativité oppressante.
« Ici, les gens souffrent encore d’un lavage de cerveau postcolonial. Ils croient à la propagande américaine et européenne et font des recherches biaisées au sujet de ces continents », nous confie Nazir, qui souhaite ébranler l’attitude excessivement dramatique de beaucoup d’Égyptiens. Sa posture s’exprime d’ailleurs à travers son œuvre qui crie, panse et égaille parfois.
Comme il nous le confirme, ses peintures, ses murales ou ses dessins n’obéissent à aucun style ou règles particulières. Chacun de ses projets nait d’une obsession pour une idée ou une technique particulière. À son accomplissement, son approche est unique et sa plastique se distingue des autres.
Ses multiples expériences ont pu enrichir sa pratique et approfondir sa démarche. Des études aux beaux-arts d’Alexandrie à l’apprentissage de la calligraphie arabe, en passant par l’application en enluminure et par une carrière dans la publicité à Londres, Nazir et son art se distinguent par cette adaptabilité surprenante.
« Tel un chaman ou un danseur, je pense que l’artiste a cette capacité de détecter les bruits intérieurs qu’il sublime ensuite dans ses œuvres »
Explique Nazir dont les dessins muraux à Alexandrie diffèrent de ses autres pièces à Londres. Ici, il a choisi des tons colorés et des formes abstraites aux airs latinos. « Je voulais dire aux Égyptiens que leur pays est beau, s’ils savent en prendre soin et l’embellir » nous explique Nazir, dont les dessins ont toujours attiré l’attention des passants sans jamais être enlevés.
Tantôt figurative pour une narration visuelle, tantôt abstraite et fusionnant la calligraphie arabe à des techniques japonaises, l’œuvre de Nazir continue d’être évolutive.
L’expérience londonienne lui a appris à sans cesse se renouveler et à chercher à se distinguer dans un milieu revendiqué par plusieurs porteurs de talents. La stratégie de Nazir est simple et a déjà porté ses fruits, l’amenant à exposer au British Museum ou encore de se voir représenter par Saatchi Art, plateforme en ligne de promotion d’artistes.
Son art n’est que la réflexion de ce qu’il est, un être franc et sincère à l’expression intemporelle.
Le choix de ses couleurs, la densité de ses traits et les courbes de ses formes ouvrent un dialogue avec le spectateur. Dans la dernière série qu’on prend le temps d’apprécier dans son studio-atelier, Nazir s’inspire de photographies de famille et transpose à l’intérieur du cadre leur nostalgie vibrante en utilisant le noir et blanc. Les différentes margoulettes y sourient, fières d’immortaliser ce précieux moment avec leurs proches. Une manière pour Nazir de fixer le passé avec allégresse et non sans aucun sentimentalisme plaintif et lancinant.
Et pour renforcer son lien avec son ancienne ville, Nazir développe grâce au soutien du British Council le projet « travelling School of drawing » ou « l’école de dessins mobile » qui propose des cours et des ateliers à des artistes ou à des semi-professionnels qui ont recours au dessin dans leur métier. Qu’il s’agisse d’architectes, de directeurs artistiques ou de stylistes, ils pourront assister aux 30 sessions qui dureront pendant deux mois et couvrirons aussi bien l’enseignement technique, que conceptuel et historique du dessin.