Sneak, le street-artiste qui rase et « fait le mur »

Formes géométriques et tracés calligraphiques s’allient pour fondre les unes dans les autres et composer des fresques vibrantes de poésie. Au contact de la couleur, les murs immobiles s’animent et à la vaporisation des sprays, les briques se brisent, hurlent leurs maux et scandent leur caractère. Sneak, alias Ahmed Amine Aitouche, ne s’imagine pas s’exprimer librement d’une autre manière que par le pouvoir des bombes.

L’intérêt qu’il cultive d’abord pour l’architecture suscite ses recherches concernant les nouvelles conceptions de division de l’espace. Son goût ensuite pour la calligraphie arabe l’amènera à développer une esthétique graffiti minutieuse qui, tout en élisant le Naskh (style répandu d’écriture arabe) pour sa lisibilité, façonne des merveilles abolissant la platitude des surfaces que ses mains croisent.

© Sneak

© Sneak

Un tagueur en série

Dès qu’il a un spray entre ses mains, Sneak l’agite puis s’agite à son tour pour marquer de sa signature les murs qu’il rencontre. Lorsqu’on se balade dans les rues d’Alger, on croise souvent son pseudonyme. Le graffiti est pour lui un moyen de marquer un territoire dont on l’a longtemps dépossédé.

Cet estampillage répétitif de l’espace public est ainsi régulier chez les tagueurs qui reconquièrent la rue et l’imprègnent de leur passage pour une reconnaissance auprès de leurs communautés. Mais avant de se saisir des codes de cet art urbain, la trajectoire de Sneak est singulière.

Plus jeune, l’attrait de Sneak pour la bombe aérosol est né d’une curiosité spontanée. Il consacrera son argent de poche de l’Aid du miloud (fête religieuse célébrant la naissance du prophète) à l’achat de son premier spray à l’âge de 13 ans. Avec son cousin, ils vandaliseront la terrasse de leur grand-père à Setif pour marquer haut en couleur leur nom de famille. L’un dessine tandis que l’autre se concentre sur les contours avant de se faire surprendre par les membres de leur famille qui se retrouvent partagés sur la qualité de leur inscription. Les deux rebelles seront condamnés au rouleau pour refaire la peinture de toute la terrasse durant les trois jours suivant. Depuis, la couleur ne quittera plus le quotidien du graffeur.

Sneak © Mehdi Drissi

Sneak © Mehdi Drissi

Passion et discrétion

Interrogé à propos de ses premières influences en street-art, Sneak avoue ne pas avoir pris connaissance du mouvement avant de rejoindre l’université.

« Adolescent, j’écoutais beaucoup de rap, il m’arrive aussi d’en faire. Je pense que c’est le rap et la culture hip-hop qui m’ont inconsciemment amené au street. J’ai du vouloir reproduire des clips (rires) » .

Mais derrière ses allures de bad-boy, c’est un cœur entier et une recherche de l’ombre que l’on entrevoit lorsque de sa voix rauque et apaisée, Amine nous explique le sens de son surnom.

Lui qui doit souvent prendre ses jambes à son cou, le jeu du chat et de la souris avec les autorités locales est devenu une part intégrante de son quotidien produisant même chez lui une adrénaline qui alimente sa créativité. Souvent arrêtés pour dégradation de la voie publique, les interrogatoires de la police lui sont coutumières. Attaché à la réserve, Sneak- ou celui qui se faufile (comme le désigne le terme en anglais)- conserve un mode de vie loin des projecteurs pour poursuivre son activité.

© Sneak

© Sneak

Lui qui feignait jouer aux durs, allant jusqu’à utiliser le prête nom de « Fost » pour se donner une fausse impression de rigidité stoïcienne dégage une sensibilité détonante.

Son contact facile et sa forte volonté de voir le graffiti reconnu comme mouvement artistique l’ont lié de forte amitié à plusieurs jeunes de sa génération qui partagent cette même motivation. Ensemble, ils participeront au DJART festival et formeront le collectif 213 Writers au lendemain de la manifestation.

SIIW, l’alchimie fraternelle

Derrière les 213 Writers, une rencontre exceptionnelle de deux âmes complémentaires. Quand Sneak rencontrera Splntr, son acolyte de l’est du pays, une entente particulière s’établit. Ensemble, ils créeront leur propre langage et enchaineront les collaborations. Les deux writers se motivent mutuellement pour dépasser toutes les contraintes qui pourraient freiner leur dynamique et interviennent dans différents espaces sous le label « SIIW ».

Chaque fresque réalisée connaît une progression particulière au moment même que l’action de production. Sans croquis, leurs idées émanent de l’atmosphère de l’instant de réalisation. Livrés à eux-mêmes, face au mur, leur hand-style (force du trait) confirmé les libère.

Sneak et Splntr ont su s’accommoder des difficultés du terrain pour une approche singulière du street-art. Malgré l’absence de points de vente de bombes aérosols en Algérie et le choix restreint de coloris disponibles en sprays destinées à rectifier des erreurs de peinture, le duo téméraire ne croise pas les bras, allant même à intégrer du matériel beaux-ariste (pinceaux, arcylique, etc.) pour réaliser ces graffitis.

Oumayma Ajarrai

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