C’est dans le studio de Bilo Hussein, photographe égyptienne basée à New York, que Mohamed Ziena nous donne rendez vous pour son interview.
Accueillis au 4ème étage d’une belle bâtisse de Zamalek avec vue sur le Nil, nous sommes plongés dans l’univers acidulé de la jeune fille où trônent des objets design et de vieilles affiches de films.
Assis dans un canapé avec une vue plongeante sur la rivière mythique ; nous avons face à nous un personnage au style digne d’un dandy parisien : barbe hipster et petit tee shirt décoré de roses.
Ce jour là, le jeune homme est accompagné par Hussein , son ami d’enfance qui l’encourage depuis toujours à partager son inclination pour la musique avec un public plus large.
Mohamed Ziena, nom de scène : Moseqar, est un architecte de formation qui nourrit une forte passion pour la musique depuis sa tendre enfance.
En parlant de son nom de scène, Mohamed évoque cette forte appartenance à l’Egypte qu’il entretiendra durant son parcours personnel et qui trouve aussi des échos dans sa musique. Moseqar signifie « maestro » en arabe et il l’a choisi pour rendre hommage à cette identité arabe qui lui est si chère. Né au Caire, Mohamed vit une bonne partie de sa jeunesse au Canada, où sa famille s’installe pour quelques temps. Il revient ensuite au Caire et y poursuit ses études avant d’y effectuer récemment son service militaire. Depuis son enfance, Mohamed aime le dessin et les expérimentations musicales en tout genre :
« Je n’ai jamais vraiment eu de formation académique en musique. J’ai toujours joué ce qui me plaisait. A 13 ans j’ai rejoint un groupe et on faisait des concerts au lycée, on enregistrait des CD et on les distribuait aux gens. A l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas, donc il fallait trouver des moyens créatifs de toucher le public. »
De la passion au métier
Peu à peu, Mohamed se met en quête de son style musical et se découvre une passion pour les remix. Il n’a pas de genre privilégié pour ses choix de musiques à remixer et pioche aussi bien dans le hip hop et la house que la musique électronique et le dub step.
Dans un premier temps, ses essais musicaux le portent sur des musiques aux sonorités occidentales et il se fait remarquer d’artistes comme Zoey Phillip ou Tusk.
Au fur et à mesure qu’il partage de plus en plus de remixes, il se fait retweeter et encourager par la sphère musicale de soundcloud et est contacté par KALEAN ou Palm Therapy pour produire des mix.
Il collecte ensuite plusieurs distinctions à partir de 2011, et gagne le premier prix du « Laboratorium contest » organisé par « Egyptian producers » pour détecter les nouveaux talents musicaux de la scène égyptienne. Le vote était en effet ouvert a un public qui n’est pas resté insensible aux sonorités cristallines et subtilement enjouées de Moseqar.
Prenant confiance dans sa capacité à produire de la musique, Moseqar se dote alors d’un vrai matériel et abandonne le clavier qui lui servait d’outil principal pour créer.
Il se penche aussi de plus en plus vers des sonorités orientales et se met à tenter des mélanges aussi improbables que le dialogue musical entre The Notorious BIG et OUM KELTHOUM. A l’image de sa propre identité, à cheval entre deux rives, la conversation musicale coule de naturel et nous porte d’une phase d’apostrophes amourachées à une querelle amoureuse entre les deux titans musicaux.
A la recherche de son style perdu
Ces différents buzz musicaux conféreront à Moseqar une petite notoriété qui se concentre entre les Etats-Unis et l’Egypte. Ces deux pôles qui l’inspirent dans sa musique, ont également trouvé des échos dans le cœur du public des deux contrées. Le musicien enregistre ensuite une playlist « Moseqar X Originals » compilant dix titres de son propre cru et une autre playlists de sept titres : « Cafe Sessions ». Plus franchement orientales, ces compositions sont une échappée musicale pour l’artiste qui découvre aussi sa propre identité à travers chacune de ses expérimentations.
La playlist rassemble des titres qui véhiculent les vibrations des instruments comme si la musique émanait d’un café, avec des sonorités instrumentales décuplées et la sensation de vivre la musique en petit comité, au cœur des volutes de cafés fumants. L’une des réinterprétations les plus saisissantes est sans conteste « Someone like you d’adèle », pour laquelle Mohamed nous confie avoir eu un réel coup de foudre :
« je me souviens comme si c’était hier. J’écoutais la chanson d’Adèle et j’ai eu une étincelle, une illumination. Je me suis dit que l’essai musical serait difficile mais j’avais envie de prendre le risque. »
Et d’ajouter : « A ma grande surprise, le titre a énormément buzzé, c’est à ce moment là que j’ai commencé à être reconnu comme Moseqar. »
Dès lors, Mohamed se concentre sur l’amélioration de sa technique et produit de plus en plus de musique originale. Grâce aux réseaux sociaux, de grands noms comme Toby Lightman ou Banks se mettent alors à partager ses remix et ses compositions musicales et à en apprécier l’originalité orientale de plus en plus mure.
C’est dans ce cadre que naît chez Mohamed la volonté de créer une histoire à travers cinq titres originaux qui « t’emportent dans un tout autre univers ». Après cette période passée à écouter, marier et réinterpréter les musiques qu’il aime, Mohamed est maintenant au stade de la composition pure. Sa formation d’architecte et sa sensibilité pour les arts visuels se retrouve aussi dans l’identité visuelle qu’il crée lui-même pour accompagner sa musique. A la fois pyramidale, épurée et traversée de nuées azur, Moseqar a crée un univers qui lui ressemble. Nous repartons d’ailleurs ce jour là avec deux posters d’Oum Kalthoum et Abdelhalim customisés par ses soins.
Le jeune homme nous confie se sentir très redevable aux réseaux sociaux et à soundcloud en particulier de lui avoir permis de partager sa musique et de se nourrir de celle des autres.
Du virtuel au réel
Moseqar a récemment participé à Cloud 9, festival de musique électronique underground organisé à Nuweiba au Sinaï et qui a réuni des grands noms de la région MENA comme Abdullah Youssef, Telepoetic, Za’ed Na’es, Nada El Shazly ou Maii Waleed. Le jeune artiste a également mixé à l’occasion d’une performance improvisée dans un vieux café à Dahab. Actuellement, Mohamed prévoit une série de concerts à l’ambiance intimiste pour réaliser sa transition du virtuel au réel en douceur. Le premier de la série a eu lieu le 7 novembre au Balcon Helopolis et l’engouement du public était de bonne augure pour la suite de la carrière du musicien.
Extra! Merci pour la découverte